Le télétravail : de nouvelles règles pour un cadre normatif ?

Télétravail

La crise sanitaire traversée depuis le début de l’année 2020 a contraint les employeurs et les salariés à revoir l’organisation du travail au sein des entreprises. Depuis le début des années 2000, la pratique du télétravail s’est accrue en lien avec le développement des nouvelles technologies. Un accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 précise les règles applicables sur ce sujet.


Définition juridique et mise en place du télétravail

Le cadre juridique de l’exercice du télétravail est constitué d’un accord national interprofessionnel (ANI) conclu en 2005 et des articles L.1222-9 et suivants du Code du travail, modifiés par l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Dans la pratique, il peut s’exercer au lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers-lieu, comme par exemple un espace de co-working, différent des locaux de l’entreprise, de façon régulière, occasionnelle, ou en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure.

Le télétravail est mis en place par un accord collectif ou, à défaut, par une charte après consultation du Comité Social et Economique. En leur absence, le télétravail peut être mis en place si les parties (employeur et salarié) en sont d’accord.

En cas de circonstances exceptionnelles (notamment en cas d’épidémie), la mise en place du télétravail relève de la responsabilité de l’employeur, en vertu de son pouvoir de direction. Toutefois, il doit s’assurer que les salariés travaillent en toute sécurité. A ce titre, l’ANI précise que la mise en œuvre du télétravail doit s’intégrer dans une organisation du travail adaptée. Une analyse préalable des activités éligibles facilite sa mise en œuvre. Pour ce faire, les partenaires sociaux considèrent que le dialogue professionnel permet de repérer les activités pouvant être exercées en télétravail. La définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social. Dans le cadre de ses missions habituelles, le CSE est consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail. L’avis des représentants du personnel permet ainsi de soulever des problématiques rencontrées par les salariés (accès au réseau informatique, risque d’isolement, perte de lien social, …).

Une place importante laissée à la négociation collective

L’accord collectif ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise :

  • les conditions de passage en télétravail,
  • les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail,
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de sa mise en œuvre,
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail,
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail,
  • les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6.

La prise en charge des frais professionnels et les règles édictées par l’URSSAF

L’ANI rappelle le principe général selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur.

Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être un sujet de négociation important afin d’encourager le dialogue social au sein de l’entreprise.

Pour l’URSSAF, lorsque le salarié engage des frais liés au télétravail, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée, conformément à son objet, et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine (20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…).

Concernant notamment l’achat de matériel par le salarié pour le compte de l’entreprise et le salarié en restant propriétaire, le remboursement des frais engendrés peut se faire dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs.

Le contrôle des salariés en situation de télétravail

La CNIL rappelle que les moyens de contrôle mis en place doivent être proportionnés à l’objectif poursuivi et ne doivent pas porter atteinte de façon excessive au respect des droits et libertés des salariés, particulièrement au droit au respect de leur vie privée. Ce principe résulte de l’article L.1121-1 du Code du travail qui prévoit que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Ainsi, des salariés en télétravail ne peuvent pas être placés sous surveillance permanente, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés au regard de la nature de la tâche, et devant obligatoirement faire l’objet d’une analyse d’impact relative à la protection des données. Par exemple, le partage permanent de l’écran et/ou l’utilisation de « keyloggers » (logiciels qui permettent d’enregistrer l’ensemble des frappes au clavier effectuées par une personne sur un ordinateur) semblent excessifs au regard du but poursuivi par l’employeur. De tels procédés sont particulièrement invasifs et s’analysent en une surveillance permanente et disproportionnée des activités des salariés.

Par ailleurs, avant la mise en place de systèmes de contrôle, le Comité Social et Economique doit être informé et consulté conformément à l’article L.2312-38 du Code du travail. De plus, les salariés doivent être informés avant la mise en œuvre de tels systèmes. A défaut, le moyen utilisé par l’employeur constituera un mode de preuve illicite (Cass. soc., 22 mai 1995, n° 93-44.078).

Les partenaires sociaux doivent donc être vigilants lors de la négociation d’un accord ou de la mise en place d’une charte sur le télétravail et de leurs impacts sur les conditions de travail des salariés. Dans le cadre notamment de la consultation annuelle sur la politique sociale, l’intervention de l’expert-comptable peut mettre en exergue la nécessité pour la direction d’aborder avec le CSE les conséquences sur l’activité des salariés et notamment les éventuels risques psychosociaux engendrés par cette situation (sentiment de mal-être, articulation vie personnelle et professionnelle…).


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