Jurisprudence marquante du premier trimestre 2020

Négociation d’un PAP et saisine de l’autorité administrative

Dès lors que le délégué syndical a obtenu la communication des informations qu’il demandait quant aux effectifs, que le syndicat a participé à la négociation d’un protocole électoral à l’occasion de trois réunions et qu’ à l’issue de ces négociations aucun accord n’a abouti, les dispositions de l’article L 2314-13 du Code du travail prévoyant la saisine de l’autorité administrative pour décider de la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et de la répartition du personnel dans les collèges électoraux à défaut d’accord des parties sont applicables et ce, même si les mandats des élus en cours sont expirés (Cass. soc. 22 janvier 2020 n° 19-12896 F-PB).

Appréciation de l’existence d’établissements distincts

Lorsqu’ils résultent d’une décision unilatérale de l’employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE sont fixés compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Caractérise un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service. Lorsqu’ils sont saisis d’un recours dirigé contre la décision unilatérale de l’employeur, le Direccte et le tribunal d’instance se fondent, pour apprécier l’existence d’établissements distincts au regard du critère d’autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise que fournit l’employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l’appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier. La centralisation de fonctions support ou l’existence de procédures de gestion (budgétaire et gestion du personnel) définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l’autonomie de gestion des responsables d’établissement. (Cass. soc. 22 janvier 2020 n° 19-12.011 FS-PB).

Un membre élu du CSE ne peut pas cumuler ce statut avec celui de représentant syndical

Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même CSE en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale sans qu’un accord collectif puisse y déroger (Cass. soc. 22 janvier 2020 n° 19-13.269 F-PB).

Recours à l’expertise et risque grave

Un président du TGI ne saurait annuler la délibération d’un CHSCT d’établissement ayant décidé du recours à une expertise pour risque grave sans rechercher si cette instance, qui faisait état de circonstances spécifiques à l’établissement, ne justifiait pas d’un risque grave au sein de celui-ci indépendamment de l’expertise ordonnée en raison d’un projet important par l’instance nationale de coordination des CHSCT mise en place par l’employeur (Cass. soc. 5 février 2020 n° 18-26131 F-PB).

L’existence d’un risque grave spécifique encouru par les salariés des établissements compris dans le périmètre du CHSCT et justifiant le recours à une expertise est établie lorsque le CHSCT fait état de la souffrance des salariés du fait notamment d’un nombre important de réorganisations, le CHSCT ayant alerté la direction sur un taux élevé d’absentéisme, le désengagement, le stress et l’épuisement des salariés, engendrant des risques routiers augmentés pour la force de vente itinérante ainsi qu’un risque de conflit avec la hiérarchie commerciale, entre services ou avec les clients (Cass. soc. 5 février 2020 n° 18-23.753 F-D).

Expert CSE et accès documentaire

Dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le comité d’entreprise peut se faire assister de l’expert-comptable de son choix. A cet égard, il appartient au seul expert-comptable, qui a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, d’apprécier les documents utiles à sa mission, lesquels peuvent concerner le ou les groupes auxquels appartient l’entreprise. Dès lors que la société-mère détient 60 % des parts d’une filiale, l’expert saisi d’une demande relative aux orientations stratégiques de cette dernière peut avoir accès aux comptes et documents prévisionnels de la société-mère (Cass. soc. 5 février 2020 n° 18-24174 F-D).

Expert SCT et risques de salariés d’une entreprise temporaire

Ceux qui emploient des travailleurs ont l’obligation de veiller à ce que leur droit à la santé et à la sécurité soit assuré, sous la vigilance des institutions représentatives du personnel ayant pour mission la prévention et la protection de la santé physique ou mentale et de la sécurité des travailleurs. S’agissant des salariés des entreprises de travail temporaire, si la responsabilité de la protection de leur santé et de leur sécurité est commune à l’employeur et à l’entreprise utilisatrice, il incombe au premier chef à cette dernière de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette protection. Par conséquent, c’est au CHSCT de l’entreprise utilisatrice qu’il appartient d’exercer une mission de vigilance à l’égard de l’ensemble des salariés de l’établissement placés sous l’autorité de l’employeur. Cependant, lorsque le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire constate que les salariés mis à disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis à un risque grave et actuel sans que celle-ci ne prenne de mesures, et sans que son CHSCT ne fasse usage de ses droits, il peut, au titre de l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs, faire appel à un expert agréé afin d’étudier la réalité du risque et les moyens éventuels d’y remédier (Cass. soc. 26 février 2020 n° 18-22556 FS-PBRI).

Expertise dans le cadre d’une UES

Lorsqu’une action concerne l’exercice de sa mission par une institution représentative d’une UES, elle doit être, sous peine d’irrecevabilité, introduite par ou dirigée contre toutes les entités composant l’UES, ou par l’une d’entre elles ayant mandat pour représenter l’ensemble des sociétés de l’UES. Par conséquent, est irrecevable l’action en contestation des honoraires de l’expert mandaté par le CHSCT de l’UES qui n’est introduite, dans le délai de forclusion, que par l’une des entreprises composant l’UES, l’autre entreprise n’étant intervenue à l’instance que postérieurement à l’expiration de ce délai (Cass. soc. 26 février 2020 n° 18-22123 FS-PB).

Outil de décompte du travail et avis du CHSCT

Ayant retenu que l’instauration du nouvel outil de décompte du temps de travail était un projet important en ce qu’il avait des effets importants sur les conditions de travail des salariés, par l’instauration d’un système de décompte du temps de travail effectif inadapté et non conforme aux dispositions légales et donc susceptible de porter atteinte à la santé des salariés par le nombre d’heures supplémentaires effectuées, la cour d’appel a pu ordonner la suspension de son utilisation concernant seulement le décompte du temps de travail et notamment des heures supplémentaires, tant que le CHSCT n’aura pas été informé et consulté sur l’introduction de cet outil et les conséquences de son utilisation (Cass. soc. 26 février 2020 n° 18-24758 F-D).

Restriction d’accès du CHSCT

Ayant relevé que les restrictions d’accès mentionnées dans une note de la société, qui imposent aux représentants du personnel membres du CHSCT d’une part d’être accompagnés dans les zones confidentielles et dans les zones d’enclave, protégées ou non, par le responsable de site ou toute autre personne le remplaçant, et d’autre part de mener les entretiens éventuels avec les salariés dans une salle de réunion sur le site en dehors de l’enclave, et enfin de mentionner sur un cahier de visite leurs heures d’entrée et de sortie, constituaient des atteintes à leurs prérogatives de libre circulation dans l’entreprise, qui n’étaient pas justifiées par des impératifs de sécurité et étaient disproportionnées par rapport à la protection des intérêts commerciaux de la société, la cour d’appel a légalement justifié sa décision d’en interdire l’application et de condamner l’employeur à verser des dommages et intérêts au CHSCT (Cass. soc. 26 février 2020 n° 18-24.758 F-D).

Droit à l’expertise des comités d’établissement

Les comités d’établissement ont les mêmes attributions que les comités d’entreprise dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement. Il en résulte que la mise en place d’un tel comité suppose que l’établissement dispose d’une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l’activité économique de l’établissement. Par ailleurs, le droit du comité central d’entreprise d’être assisté pour l’examen annuel de la situation économique et financière de l’entreprise ne prive pas le comité d’établissement du droit d’être assisté par un expert-comptable afin de lui permettre de connaitre la situation économique, sociale et financière de l’établissement dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer (Cass. soc. 11 mars 2020 n° 18-26138 F-D).