Jurisprudence marquante du 4ème trimestre 2020

Sanction et témoignage de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit

  • Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Une cour d’appel ne saurait prononcer la nullité du licenciement d’un salarié ayant révélé des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges de l’employeur avec un syndicat, dès lors qu’elle n’a pas constaté que les faits relatés étaient susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime (Cass. soc. 4 novembre 2020 n° 18-15.559).

Mépris des prescriptions du médecin du travail et harcèlement moral

  • En retenant que la société avait confié au salarié de manière habituelle, au mépris des prescriptions du médecin du travail, des tâches dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé et mis ainsi en péril l’état de santé de son salarié, la cour d’appel a fait ressortir l’existence d’éléments laissant supposer un harcèlement moral et l’absence de preuve par l’employeur d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (Cass. soc. 4 novembre 2020 n° 19-11.626).

Atteinte à la vie privée du salarié

  • La seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation. La cour d’appel ne pouvait donc pas débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts résultant de l’atteinte à la vie privée causée par la production dans le cadre d’un litige, d’un message adressé à une autre salariée sur le réseau Facebook, en retenant que la production du message privé litigieux, si elle n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve, n’a causé aucun préjudice à l’intéressé (Cass. soc. 12 novembre 2020 n° 19-20.583).

Forfait annuel en jours invalide

  • Le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre conformément aux dispositions légales. Le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut pas tenir lieu de règlement des heures supplémentaires (Cass. soc. 12 novembre 2020 n° 19-15.173).

Installation dans l’établissement ou à proximité, des locaux dédiés à l’allaitement

  • Tout employeur employant plus de 100 salariées peut être mis en demeure par un agent de contrôle de l’inspection du travail d’installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l’allaitement. La mise en demeure d’installer une telle salle émanant d’une organisation syndicale, et  la Direccte saisie de la question n’ayant pas donné suite à cette demande, l’employeur ne peut pas être considéré comme ayant été mis en demeure au sens des dispositions du Code du travail d’installer des locaux dédiés à l’allaitement (Cass. soc. 25 novembre 2020 n° 19-19.996).

Élections professionnelles et représentation des femmes et des hommes

  • Pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Ces dispositions s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles (Cass. soc. 25 novembre 2020 n° 19-60.222).

Président du CE (CSE) mis à disposition par une autre entreprise

  • Le comité d’entreprise est présidé par l’employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative. L’employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l’employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l’information et à la consultation de l’institution représentative du personnel, de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l’employeur par une autre entreprise (Cass. soc. 25 novembre 2020 n° 19-18.681).

Harcèlement moral et charge de la preuve

  • Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En retenant que ni le maintien du salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail, ni le refus de mobilité professionnelle, ni celui d’accorder des heures supplémentaires, ne caractérisaient des méthodes de gestion ayant pour objet ou pour effet de dégrader ses conditions de travail, que les instances représentatives du personnel n’ont jamais été alertées, que la régularisation tardive des heures de délégation du salarié s’explique par un retard de transmission de ses décomptes par l’intéressé et par le débat qui l’a opposé à l’employeur sur la possibilité de les prendre durant les arrêts de travail, la cour d’appel a fait peser la charge de la preuve de l’existence du harcèlement moral sur le seul salarié (Cass. soc. 9 décembre 2020 n° 19-13.470).

Solde de congés et rupture du contrat

  • C’est à l’employeur de prouver que les congés payés ont bien été pris. Ayant relevé la mention d’un solde de congés payés de 115 jours sur le bulletin de salaire du mois de mai, qui pouvait valoir accord de l’employeur sur le report des congés payés acquis sur des périodes antérieures à la période de référence en cours, ainsi que la présence d’écritures comptables laissant apparaître l’existence de dettes de congés payés au titre des exercices précédents, et l’employeur ne démontrant pas que la mention d’un solde de 115 jours de congés payés acquis procédait d’une erreur, la cour d’appel ne pouvait pas limiter le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés due au salarié (Cass. soc. 9 décembre 2020 n° 19-12.739).

Motif discriminatoire résultant d’une convention ou d’un accord collectif

  • Même lorsque la différence de traitement en raison d’un motif discriminatoire résulte des stipulations d’une convention ou d’un accord collectif, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent pas être présumées justifiées au regard du principe de non discrimination. En conséquence, en l’absence d’élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé du salarié la disposition d’une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude médicale de l’indemnité de licenciement qu’elle institue (Cass. soc. 9 décembre 2020 n° 19-17.092).

Mise à pied d’un salarié protégé et inspection du travail

  • La mesure de mise à pied conservatoire d’un salarié protégé est privée d’effet lorsque le licenciement est refusé par l’inspecteur du travail. Dans cette situation, une cour d’appel ne saurait donc dire n’y avoir pas lieu à référé sur la demande du salarié en paiement à titre de provision des salaires afférents à cette mise à pied (Cass. soc. 16 décembre 2020 n° 19-19.082).