Jurisprudence marquante du 1er trimestre 2021

Rupture conventionnelle et PSE à venir

  • La rupture conventionnelle est nulle en raison d’un vice du consentement lorsque l’employeur a dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation a été déterminante du consentement de celui-ci (Cass. soc. 6  janvier 2021 n° 19-18.549).

Obligation de santé sécurité de l’employeur et prise d’acte du salarié

  • Ayant constaté que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires, notamment préventives, pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale de la salariée, la cour d’appel a pu décider que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur (Cass. soc. 6 janvier 2021 n° 19-17.299).

Discrimination et comparaison de situations

  • Une mesure peut être qualifiée de discriminatoire indépendamment de toute comparaison avec la situation d’autres salariés. Ayant constaté que nombre des éléments invoqués par le salarié comme laissant supposer l’existence d’une discrimination étaient établis, la cour d’appel ne pouvait rejeter sa demande au seul motif qu’il n’apportait pas d’éléments laissant penser que d’autres salariés  non membres d’institutions représentatives du personnel avaient bénéficié de la formation qui lui a été refusée (Cass. soc. 13 janvier 2021 n° 19-19.511).

Annulation d’une validation de PSE

  • L’annulation par la juridiction administrative d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au motif de l’erreur de droit commise par l’administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par le Code du travail n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais donne lieu à l’application des sanctions prévues par l’article L 1235-16 du même Code, c’est-à-dire à la réintégration du salarié dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis en cas d’accord des parties ou, à défaut, au versement au salarié d’une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (Cass. soc. 13 janvier 2021 n° 19-12.522).

Effet rétroactif d’un accord collectif et rupture du contrat

  • Les conventions et accords collectifs sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent. Il en résulte qu’un accord collectif peut prévoir l’octroi d’avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur. Une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu’il tient du principe d’égalité de traitement pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord. Dès lors, le fait que le contrat de travail d’un salarié ait été rompu avant la date de signature de l’accord collectif ne saurait justifier que ce salarié ne bénéficie pas, à la différence des salariés placés dans une situation identique ou similaire et dont le contrat de travail n’était pas rompu à la date de signature de l’accord, des avantages salariaux institués par celui-ci, de façon rétroactive, pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail (Cass. soc. 13 janvier 2021 n° 19-20.736).

Heures de délégation et temps de trajet

  • Les heures de délégation des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale. Il en résulte que ceux-ci ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leur mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail et doit être pris en compte pour déterminer l’existence, le cas échéant, d’heures supplémentaires donnant lieu à majorations (Cass. soc. 27 janvier 2021 n° 19-22.038).

Paiement d’heures supplémentaires

  • Le versement de primes ne peut pas tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel et, d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur (Cass. soc. 3 février 2021 n° 19-12.193).

Poste de reclassement

  • Est abusif le refus d’un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, qui avait été interrogé avant et après la proposition de poste, la société ayant renouvelé au salarié inapte à la suite de cette consultation sa proposition, en précisant la réponse du médecin du travail (Cass. soc. 3 février 2021 n° 19-21.658).

Convention de forfait et accord entre les parties

  • L’existence d’une convention de forfait ne peut résulter que d’un accord entre les parties et elle ne saurait se déduire de la seule mention sur le bulletin de paie d’une rémunération forfaitaire d’heures supplémentaires (Cass. soc. 10 février 2021 n° 19-14.882).

Rupture du contrat et état de grossesse

  • Tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul. Dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par la Constitution, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période (Cass. soc. 17 février 2021 n° 19-21.331).

Harcèlement sexuel et obligation de santé sécurité de l’employeur

  • Ayant relevé que la salariée avait été victime de faits de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, sanctionné pénalement pour ces faits, qu’elle avait développé un syndrome dépressif réactionnel pris en charge au titre des accidents du travail, et que l’employeur n’avait pris aucune mesure pour éloigner l’auteur du harcèlement du poste occupé par l’intéressée, et s’était contenté de le sanctionner d’un avertissement, la cour d’appel a pu en déduire l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 17 février 2021 n° 19-18.149).

 Faute inexcusable de l’employeur et mesures de prévention

  • Le manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. A commis une faute inexcusable l’employeur d’un salarié percuté par un chariot élévateur circulant dans une zone non autorisée pour ce type d’engins, alors qu’il se dirigeait vers l’accueil sans emprunter les voies de circulation prévues, dès lors que les pièces qu’il produit ne permettent pas d’établir que les consignes de sécurité aient été effectivement portées à la connaissance du salarié et lui aient été rappelées (Cass. 2e civ. 18 février 2021 n° 19-23.871).

Harcèlement moral et méthodes de gestion

  • Ayant relevé que plusieurs salariés témoignaient, d’une part, de pressions en matière d’objectifs, imposées aux directeurs de projets, aux responsables de projets, aux chargés de terrain, aux superviseurs et aux téléconseillers par une organisation très hiérarchisée du directeur de site et qui se traduisaient par une surveillance des prestations décrite comme du “flicage” et, d’autre part, d’une analyse de leurs prestations qu’ils ressentaient comme une souffrance au travail, la cour d’appel ne pouvait pas débouter les intéressés de leurs demandes au titre d’un harcèlement moral au motif que celles-ci portaient sur des considérations trop générales sur les méthodes de gestion de l’employeur (Cass. soc. 3 mars 2021 n° 19-24.232).

Heures de délégation et dispense d’activité

  • L’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel. Lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. Il en résulte qu’en cas de dispense d’activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé et que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique (Cass. soc. 3 mars 2021 n° 19-18.150).

Absence prolongée du salarié pour cause de maladie et incidences sur l’entreprise

  • Lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d’un manquement de l’employeur à ses obligations, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement (Cass. soc. 10 mars 2021 n° 19-11.305).

Communications syndicales et salariés mis à disposition

  • Les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale au sein de l’entreprise peuvent diffuser des communications syndicales aux salariés de l’entreprise. Les salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure, qui demeurent rattachés à leur entreprise d’origine, doivent pouvoir accéder à ces informations syndicales. Il appartient en conséquence à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires, en accord avec l’entreprise utilisatrice, pour que la diffusion des communications syndicales puisse être assurée auprès des salariés mis à disposition (Cass. soc. 17 mars 2021 n° 19-21.486).